« Féminité et dignité en milieu carcéral »
La prison, lorsqu’on en parle, entraine avec elle une kyrielle de préjugés, voire de fantasmes. De mon côté, c’est un univers qui m’a toujours attirée. J’ai donc voulu en savoir plus. Et m’intéresser plus particulièrement aux détenues et au personnel féminin. J’ai choisi de poser mes questions à un Directeur d’une Maison d’Arrêt. Pour des raisons évidentes de confidentialité, je ne donnerai ni son nom, ni la Maison d’Arrêt qu’il dirige.
Voici, en quelque sorte, une plongée au cœur d’un univers aussi cruel et brutal que fascinant et dérangeant. L’occasion, peut-être, de changer de point de vue, de regard…
Oui, tout à fait. Le règlement intérieur permet d’avoir des produits d’hygiène et de beauté. Ceux-ci sont cantinés* par la personne détenue.
(*Cantiner : achat par le biais de bons de cantine, en détention).
Oui. La majorité des établissements pénitentiaires pour femmes proposent ce type d’activités. Celles-ci sont mises en place par le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) ou par l’association des personnes détenues qui contacte des intervenants extérieurs qui proposent diverses activités à la population pénale. Ces activités socioculturelles permettent de rompre avec la monotonie du quotidien de la détention. Elles permettent d’avoir une détention plus apaisée et sereine.
Là aussi oui, tout à fait. Des intervenants extérieurs viennent de manière hebdomadaire ou mensuelle dans les établissements.
Il n’y a pas de tenue pénale. Chaque femme s’habille à sa convenance.
Chaque personne détenue incarcérée est vue par le médecin de l’unité sanitaire à son arrivée et peut obtenir des visites avec le médecin suite à une demande écrite. Pour une visite médicale avec un spécialiste (gynécologue,…), l’unité sanitaire est dans l’obligation d’obtenir un rendez-vous avec le spécialiste de l’hôpital dont dépend la structure. En ce qui concerne les différentes pathologies (cancers,….), les personnes détenues sont transférées à l’UHSI (Unité Hospitalière Sécurisée Interrégionale) pour y bénéficier des soins nécessaires.
Non. Le personnel pénitentiaire n’intervient pas dans ce domaine-là.
Non pas particulièrement, cela dépend de la cohabitation des deux personnes dans cette même cellule.
Pendant la grossesse, il n’y a pas de cellule spécialement dédiée. Il n’y a pas de régime spécial de détention. Par contre, à la naissance de l’enfant, la mère et son enfant sont affectés dans une cellule dédiée, appelée « cellule mère-enfant ». À ma connaissance, un seul établissement a une nurserie : c’est à la Maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis.
D’abord par la cellule mère-enfant jusqu’aux 18 mois de l’enfant. Mais cette durée peut être prolongée de 6 mois par le Juge de l’Application des Peines (JAP) pour les condamnées, ou le Juge d’Instruction pour les personnes prévenues (pas encore jugées). Si à l’issue il y a séparation de la mère et son enfant, la mère peut continuer à voir son enfant lors des parloirs familles ou avec des associations ou des éducateurs, à raison de trois fois par semaine pour les prévenues et une fois pour les condamnées.
Les relations familiales/couples sont maintenues lors des parloirs familles ou lors de permissions de sortie pour maintien des liens familiaux. Il existe dans certains établissements pénitentiaires des Unité de Vie Familiale (UVF). Les UVF sont réservées uniquement aux détenus condamnés. Ce sont des locaux équipés comme un appartement où les familles peuvent passer du temps ensemble, sur une durée de 48 à 72 heures.
Le code de procédure pénal est le même pour les détenus hommes ou les détenues femmes. Seul le règlement intérieur d’une prison pour femmes sera spécifique à celle-ci.
Le code de déontologie proscrit toute connivence entre le personnel de surveillance et les personnes détenues. Néanmoins, certaines personnes détenues peuvent se confier sur leur mal-être lié à la détention ou à des problèmes extérieurs. Ensuite, la surveillante doit en rendre compte à la hiérarchie ou à l’unité sanitaire dans l’optique de la prévention du suicide. Il faut savoir que dans les maisons d’arrêt pour femmes, seul le personnel féminin y est affecté. À l’exception de quelques postes périphériques pouvant être tenus par du personnel masculin. A ce jour, aucun personnel masculin n’évolue en détention femme. En revanche, le personnel féminin est affecté dans les détentions hommes.
Cela ne pose pas de problèmes par rapport à l’autorité d’un personnel féminin. Néanmoins, les détenus de confession musulmane n’acceptent pas d’être encadrés par des personnels féminins.
Oui, un suivi psychologique (un psychologue intervient de façon hebdomadaire dans tous les établissements pénitentiaires) est proposé à chaque personne détenue. Ensuite elles sont libres d’accepter ou de refuser cette thérapie. Ces entretiens permettent de mieux vivre l’incarcération au quotidien et de se livrer sur le délit ou le crime qui les a conduits en prison. Je considère que le respect de la dignité humaine n’est pas lié au suivi psychologique. Celui-ci incombe plus particulièrement au personnel de surveillance vis-à-vis de la population pénale.
Le métier de surveillant d’établissements pénitentiaires, malgré une formation initiale à l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire à Agen, donne les bases de la profession. Néanmoins, ce métier est étroitement lié au caractère des personnels. Certains peuvent occulter de manière délibérée la détresse psychologique des personnes détenues. Afin de remédier à ce problème, depuis quelques années, suite au rapport du professeur TERRA*, des formations « Prévention du suicide » sont dispensées aux personnels de surveillance afin de les sensibiliser dès l’arrivée en milieu carcéral de la personne détenue (choc de l’incarcération). Si certains personnels exercent ce métier sans un minimum de conscience professionnelle, il leur sera difficile de percevoir un état dépressif des personnes détenues. Cet état de fait peut être annoncé par la personne détenue en sollicitant une audience auprès du gradé ou de l’officier responsable du bâtiment de détention, afin de l’informer de son état psychologique (déprime, dépression) suite à son incarcération ou par rapport à une mauvaise nouvelle d’ordre privé. Autre possibilité : il peut demander à être reçu immédiatement par l’unité sanitaire (infirmerie) qui l’orientera vers le service psychologique de l’établissement. Suite au rendez-vous avec un psychologue, si celui détecte de graves difficultés pouvant entraîner des risques suicidaires, il sera décidé de placer la personne détenue en hôpital psychiatrique afin de soigner cette souffrance psychologique.
* Le rapport Terra, datant de 2003, est un rapport de 219 pages (consultable via ce lien : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/034000724.pdf).
Il propose une évaluation des actions mises en place et émet des propositions sur un programme complet au sujet de la prévention du suicide en milieu carcéral.
Les modalités de la réinsertion des détenues femmes est identique à celle des hommes. Le SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) est chargé de cette mission et a signé des conventions avec des associations chargées de mettre en œuvre les conditions de réinsertion de la personne détenue (recherche de logement, recherche d’emploi…). Différents intervenants extérieurs interviennent tout au long de la détention (Pôle Emploi, Mission Locale, Sécurité Sociale, CAF…) pour commencer à entreprendre les démarches nécessaires à l’obtention d’un aménagement de peine (libération conditionnelle, semi-liberté, placement sous surveillance électronique) ou lors d’une sortie « fin de peine », appelée sortie sèche.
Oui la réinsertion des personnes détenues femme est supérieure à celle des hommes car la population pénale des femmes ne représente que 4% du total des personnes incarcérées. D’autre part, les longues peines pour les femmes sont principalement des infanticides ou des crimes passionnels qui peuvent être apparentés à un accident dans le parcours de leur vie. Contrairement aux hommes qui sont enracinés dans la délinquance pour des délits tels que des braquages, des escroqueries, des trafics de drogues. Je suis convaincu que le taux de récidive est nettement inférieur chez les femmes que chez les hommes.
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