Cet amour interdit entre lui, Béké, et moi, Noire
Personne ne le dira, personne ne l’avouera, mais il y a des histoires d’amour interdites. Elles ont le goût âcre d’un Roméo et Juliette tropical, elles portent le sceau du Rhum, des communautés qui ne se fréquentent pas, des relations avortées avant le premier baiser, et parfois, de la haine.
Ce n’est pas la société qui nous a permis de nous rencontrer, ce béké et moi, ni nos amis, ni le travail, ni… une grève. Non. Un accident de voiture, un banal et stupide accident de voiture sur la rocade.
Il était au téléphone, a perdu le contrôle et m’est rentré dedans, le jour de mon entretien pour un poste de cadre à la G******.
L’un des souvenirs très précis que j’ai de cet accident est le cri que j’ai poussé à l’instant même où j’ai été violemment percutée.
Rage. Peur.
Tout s’est enchaîné très vite. Lui qui me parle, moi qui ai du mal à répondre, les minutes qui ressemblent à des heures, la police, le SAMU, ma famille à l’hôpital.
J’étais spectatrice de la scène tout en étant comme morte.
Je me voyais, au-dessus de mon corps, assise dans mon siège, inconsciente, tout en voyant l’agitation autour de moi. J’entendais certains mots des pompiers, comme des flash, j’étais au milieu d’eux mais personne ne me voyait. J’étais comme là, et comme morte en même temps.
Je flottais au-dessus de tout le monde, comme un ange sans ailes.
Puis, le silence. Un long silence où mon corps avait décidé de plonger dans le coma.
Personne n’a jamais su ce qui s’était passé, pourquoi avais-je sombré dans ce sommeil sans fin.
Est-ce mon âme ou le souvenir des choses que l’on m’a racontées ? Une chose est sure, c’est que je sais que personne ne comprenait le pourquoi du comment de mon coma.
Certains disaient que c’était le choc, d’autres pensaient que j’avais raté ma mort de près.
Et les médecins eux, s’acharnaient à comprendre ce qui n’allait pas et à me sauver.
Je me rappelle d’un rêve, de ce long tunnel de lumière, de mon père qui m’accueillait les bras grands ouverts et de sa question :
« Souhaites-tu venir avec moi Lydiane ?
– Oui, papa..
– Nous nous reverrons un jour, mais aujourd’hui n’est pas ton jour »
Était-ce le jour de mon rêve ? Quelques jour après ? Je n’en ai aucune idée.
Tout ce que je sais est que je me suis réveillée 9 jours après mon accident. Un long et douloureux réveil. L’impression que ma tête avait été frappée contre un mur.
Ma mère arpentait les couloirs de l’hôpital depuis plusieurs jours et mon réveil a été pour elle le jour où elle a décidé de renouer officiellement avec la foi, elle qui ne croyait plus en dieu depuis le décès de papa.
Tout était presque revenu à la normale.
Mon bras cassé était cassé. Personne ne savait si tous mes souvenirs étaient intacts. Mon entretien était raté. Ma rage était vive.
Au deuxième jour de mon réveil, ma mère, la mine grise, en manque de sommeil me dit que quelqu’un avait besoin de me parler mais que nous verrions ça à mon réveil.
Elle me disait que je recevais beaucoup de visites, mais que l’équipe médicale refusait que ma chambre soit accessible à tous. Tout ce petit monde curieux restait dans les couloirs où à l’accueil lugubre de l’hôpital.
Le troisième jour, la mine de ma mère était toujours aussi grise.
J’arrivais enfin à tourner ma tête quelque peu sur la gauche. Il y avait une photo de mon père, mort, de ma sœur et de ma mère.
Était-ce l’amour des miens qui m’avait fait sortir de mon long sommeil ?
Une chose est sure : mon père avait veillé sur moi.
Les autres jours passèrent avec beaucoup de douceur. Les visites purent reprendre deux jours avant ma sortie. Les infirmiers qui s’étaient attachés à mon histoire avaient toujours un mot joyeux pour ma mère et moi, mais moi… Mon sourire ne revenait pas.
À 15 heures, la veille de ma sortie, un homme s’est présenté à ma chambre. Ma mère était partie.
Il portait un costume bleu marine, une chemise blanche et une cravate portant un bouton doré. Cet homme n’était certainement pas de l’équipe hospitalière.
Il s’est présenté : « Je suis G******, j’ai vu ce qui s’est passé pendant l’accident »
Je n’ai pas répondu. Pas assez de force pour donner le change. Mon silence mit mal à l’aise mon interlocuteur.
– Je suis G*******, je… je suis désolé, j’ai….
Et il se mit à pleurer.
C’était la première fois que je voyais un homme pleurer devant moi, juste là comme ça, comme un enfant blessé.
– J’ai failli…
Ses sanglots reprirent. Plus vifs.
– … vous tuer.
« J’ai failli vous tuer ».
Il était venu.
Lui, mon fossoyeur raté. Cet homme à cause de qui ma vie avait basculé en un fragment de seconde, il était venu.
– Vous pouvez partir, dis-je à mon tueur raté.
– Non, vous ne comprenez pas, je suis venu…
– Vous pouvez partir. Vous avez fait l’état des lieux : je respire, mon visage n’est pas abîmé, personne ne vous poursuit en justice… Tout va bien. Au revoir.
Il fit comme si je n’avais rien dit, me fixa longuement puis prit une chaise, ce qui m’agaça au plus haut point.
Ma tête me lança de plus belle, mais je savais que les médicaments n’en étaient en rien la cause. Probablement son parfum de luxe qui empoisonnait mon air, ou cette façon de faire comme si tout lui appartenait.
Il s’assit sur la chaise, baissa la tête et dit à haute voix :
– Notre Père qui est aux cieux, pardonnez-moi s’il vous plaît. J’ai encore fait du mal à quelqu’un, ce quelqu’un est avec moi, devant moi aujourd’hui. Je vous demande mon Dieu de me pardonner, j’ai failli lui ôter la vie. Cette femme me hait et je comprends mais Dieu, aidez-moi, aidez-moi à me faire racheter, à me faire pardonner et à faire ce qui est en mon possible pour que nous puissions tous les deux allez de l’avant ».
« BONDA MANMAN’W ! » Lui ai-je crié !
En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, quatre infirmiers avaient investi ma chambre. Le chef de service avait déboulé demandant à l’homme de sortir de la chambre. L’un d’entre eux vérifiait mes constantes, un autre parlait à l’homme. Tout le monde était contrarié mais pas aussi contrarié que moi.
Dieu n’a pas à être l’entremetteur des âmes éclopées.
Je suis sortie un samedi après-midi.
Un soleil de plomb brûlait ma peau à travers la vitre de la voiture. Je sentais mon âme entre la vie et la mort. J’en étais presque à regretter les jours passés à l’hôpital, là où j’étais le centre de tout.
Toute ma famille était réunie dans la maison de ma mère.
Tout le monde y allait de son mot réconfortant. Ce n’était pas une fête, mais un semblant de veillée pour un mort qui avait échappé à sa sentence. Un mélange de tristesse et de surprise face aux mystères du coma.
Mon bras semblaient allez mieux, ce satané plâtre m’empêchaient de me gratter, mais je m’y faisais.
Quelques jours après mon retour au bercail, un homme avec un vieux tee-shirt dédou sonna à notre porte. Il avait besoin de me parler.
Ce n’était pas l’homme de l’hôpital. Ouf.
«Ti madanm mwen… Mwen bizoin palé baw. Missié H. mandé mwen véyé’w lè ou té l’hopital. Mwen sav tou sa ou té ka fè. Ki moun ki té ka rentré soti, lè manman’w té la, pa té la, ki loto té ka garé pou vini wè’w, mwen sav tou sa yo té ka fè baw. Mwen sav sa pa komun mé ou sav, mwen ni an profession yo ka kryé…
– Mako ?
– Non, madame. On m’appelle « détective privé ».
– An blague ?
– Non madame.
– Et qui a fait appel à vos services ?
– Madame avant tout, sachez que c’est une personne qui ne vous veut pas de mal. Elle m’a demandé de vous retrouver, mais je dois faire preuve d’éthique dans mon travail : je ne peux pas lui dire où vous êtes, où vous habitez tant que vous ne m’en avez pas donné l’autorisation…
– Vous êtes un salop éthique, en fait. Et qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Je vous applaudis ? Vous offre un ti punch ?
– Madame… Monsieur H. est désolé de ce qui vous arrive. On l’a jeté comme un chien la fois où il est venu vous demander pardon à l’hôpital. Il veut vraiment vous demander pardon. Il a énormément de mal avec sa vie ces temps-ci, voyez-vous… Rencontrez-le.. Juste dix minutes, et après oubliez-le.
« Rencontrons-nous », ai-je dit en souriant, comme si la hache de guerre avait été enterrée. En vérité, j’avais accepté de le rencontrer pour l’insulter face à face de nouveau.
Le détective privé se méfiait de ma mère et a donc proposé de me mener lui-même voir ce fameux H. Afin de rassurer ma mère, il lui laissa sa carte d’identité, ses cartes bancaires, et sa feuille d’impôts sur le revenu. Original le bougre.
L’air de rien, vu tout ce qu’il payait comme taxes, il gagnait bien sa vie.
Une demi-heure de route plus tard, le détective privé se gara sur le bas-côté de la route.
– Madame, il y a une condition avant d’aller voir Monsieur H.
– Ki sa ankô ?
– Votre rencontre s’étant très mal passée la dernière fois, quelques précautions sont de mises. On ne sait pas trop ce que vous avez dans la tête, si vous avez un désir de vengeance ou quoi…
– VENGEANCE ? VOUS CROYEZ QUE JE VAIS LE SUIVRE POUR ESSAYER DE LE TUER ?
– Ecoutez Madame, je ne fais que ce qu’on me dit de faire. Il va falloir vous bander les yeux pour continuer la route. Vous n’avez pas besoin de savoir comment faire pour aller chez monsieur H. tant que nous ne sommes pas rassurés par vos intentions.
– Maré mwen !
Aussitôt dit, aussitôt fait, mes yeux étaient bandés, et une série d’insultes à prononcer venait de voir le jour dans ma tête. Asiré pa pètet, je ne manquerai pas de faire savoir à G.H. ce que m’inspirais son comportement phallocrate.
J’ai passé des dos-d’ânes, probablement trois ou quatre collines, des roches à ne pas en finir sous mes semelles puis, le détective mako m’a sorti de la voiture puis porté dans ses bras.
Le passage à l’hôpital m’avait fait perdre quelques kilos, il avait de la chance…
Un bruit de moteur se fit entendre… Je sentais de l’air sur mon visage. Et ce soleil brûlant sur ma peau… Comment les gars avaient-ils osé me mettre dans une baché alors que mes yeux étaient bandés ? Quelqu’un sur la route les signalerait à la police !
La route était longue, les bruits devenaient de plus en plus bizarres… Ce n’était pas le bruit de roues sur le bitume mais… D’eau !
Je ne sais pas où j’étais ni par quel moyen j’y étais arrivé. J’étais sur un bateau, au milieu de nulle part. Mon détective mako, dont je ne connaissais toujours pas le nom, m’ôta le cache de mes yeux.
G****** H**** était assis face à moi, tête baissée, en petit tee-shirt du dimanche. Pieds nus.
Il priait. Encore.
Je décidai de me joindre à lui :
« Mon Dieu, ici Lydiane, je suis désolée mais un fou, après avoir essayé de me tuer sur la rocade, a décidé de m’enlever. Mon Dieu, je vous en prie, envoyez-moi St Michel et toute votre milice céleste afin de lui botter le cul et de lui dire tous les mots en « manman’w » que je n’oserai pas lui dire. Amen. »
G****** état rougi par le soleil, et presque dépressif.
Il articula un « Pardon Lydiane, puis se mit à sanglotter ».
A suivre.
23 Commentaires
la suiteeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeee
La suite ???
Ça promet cette rencontre ! En espérant lire la suite.
Ensuite ??????
Sérieusement, il n’y a pas eu de suite ?
Elle est où la suite??????
A quand la suite ?
Je veux la suite please.
A quand la suite?????
On pourrait avoir la suite :-(!!!!
Je veux la suite!!!!!!!
C est bien ecrit, ça me parle, car je me reconnais bien dans ses expressions mdrr! La suite vite!
A quand la suite ????
Trop bon la suite svp
A quand la suite ???
Histoire intrigante mais promet d’être savoureuse
ohhhh c’est mignon !!
a quand la suite pleaaasse !!
Wouuussshhhh où est la suiteeeee ?
J’ai bien rigolé
Alors là,fais pas languir la belle,la suite please
Waayyye !! Mi Bab ! Ah ouais vivement la suite !
C’est beau, bien écrit et vraiment touchant. La suite je vous en prie !!!
Cette histoire en dit long ! J’ai hâte
J’aime trop hâte de lire la suite
Vivement la suite !!!!! Par contre le « détective mako »… Il n’a pas froid aux yeux !!!